© Studio Erick SAILLET
L’agence Pierre Vurpas et Associés Architectes a livré le centre culturel La Passerelle à Trévoux, petite ville de 7 000 habitants à 25km au nord de Lyon.
Incandescente
Un galet taillé comme un diamant, un parvis minéral qui s’étire pour guider les passants vers l’entrée, une façade de verre changeante comme le ciel et dorée comme le cuivre, les mots du dictionnaire ancien gravés sur le vitrage, illuminé par des rideaux de métal tissés, «La Passerelle», nouvel espace culturel de Trévoux, s’insère contre l’hôpital comme un morceau de puzzle manquant, faisant coïncider parfaitement histoire et architecture contemporaine.
Le programme s’inspire de son riche patrimoine littéraire et architectural pour créer un lieu de pédagogie, de culture et de partage qui rassemble une école de musique, une médiathèque, un CIAP (Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine), une apothicairerie, une salle d’exposition et une salle polyvalente équipée pour être un cinéma.
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Le pari de l’équipe des concepteurs a été de réaliser un équipement contemporain, ouvert sur la ville et sur le monde d’aujourd’hui, dans un site exceptionnel. Dans une confrontation radicale mais douce, le projet révèle aux yeux de tous, l’histoire de cette commune des bords de Saône.
Entrer en résonance avec un lieu et son histoire
Pour comprendre la délicatesse du projet, il faut s’intéresser à l’histoire peu connue de Trévoux. Cette commune, située à 25 km au nord de Lyon, a joué un rôle important par sa proximité de Lugdunum et de la Saône comme grenier agricole. De cette tradition, elle devient port et péage. Au 16° siècle, Trévoux est la capitale de la Principauté de Dombes, indépendante de Royaume de France, possédant son Parlement et frappant sa monnaie.
Ce territoire autonome qui accueille penseurs et écrivains et autorise la publication d’ouvrages comme les Mémoires et le Dictionnaire de Trévoux, devient le berceau d’une effervescence intellectuelle au siècle des Lumières.
Principauté indépendante, elle présente aussi l’avantage d’être un paradis fiscal. En effet, les tireurs d’or, fabricants de fils d’or et d’argent, utilisés pour la soierie lyonnaise, ne sont pas assujettis, à Trévoux, à l’impôt sur l’argue royale. L’activité connaît un essor remarquable. En 1762, la commune devient française, perd ses privilèges mais conserve cette tradition industrielle ainsi que la fabrication des outils nécessaires à cette activité : les filières. La filière est un outil percé qui sert à l’étirage du métal pour le réduire en fils, à travers un trou conique dans des matériaux de plus en plus durs au fil du temps : bois de chêne durci au feu, fer, acier, rubis, saphir. En 1965, un ouvrier de Trévoux réussit à percer le matériau le plus dur, le diamant. Trévoux devient alors capitale de la filière en diamant.
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De cette riche histoire reste visible un patrimoine urbain et architectural d’une rare qualité et densité. L’hôpital installé sur la trace des remparts, le Parlement et l’église, le château, les petites rues médiévales escarpées, la passerelle et son prolongement…
Mais si Trévoux tire son caractère de son histoire, elle le doit aussi pour beaucoup à sa géographie. En effet, la Saône, normalement orientée nord / sud, forme, à cet endroit là, un large méandre qui lui offre à la fois un port et une plage plein sud. Le site bénéficie d’un potentiel paysager inédit simultanément par la visibilité qui lui est donnée et par les vues sur la rivière. Au pied du plateau de la Dombes, la commune est bâtie dans la pente et suit la topographie en révélant la puissance du lieu.
S’installer durablement
Le projet s’inscrit en continuité entre la mise en valeur de l’édifice historique dans le plus grand respect de son intégrité et l’utilisation d’un langage contemporain pour le nouvel équipement. Du point de vue urbain, l’objectif est de retrouver l’alignement des remparts pour créer un front continu le long des bords de Saône. Pour cela, la démolition des annexes revalorise la façade sud de l’hôpital, le réoriente vers la rivière et l’ouvre sur la place du Pont nouvellement créée.
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La médiathèque occupe toute l’épaisseur du vide laissé entre l’hôpital et l’hôtel réhabilité.
Au nord, côté ville, la façade s’aligne avec l’hôpital, en limite de parcelle, devant une petite place pavée. La ruelle du Cornet qui est la plus ancienne venelle de la commune est restaurée et le passage rétabli vers la placette. Le gabarit général respecte celui de l’hôpital et se connecte sur le point haut des maisons avoisinantes. Les toitures terrasses, visibles d’en haut, comme l’ensemble des constructions de Trévoux, sont végétalisées ou recouvertes de briques posées sur chant pour se fondre dans les coloris des toits de tuiles.
En face, Le Pavillon des Arts, comme un galet de pierre réorganise l’espace public. Il cadre la nouvelle Place du Pont, oriente le piéton par ses faces biseautées, protège la médiathèque des nuisances sonores et visuelles de la circulation du quai.